Baux commerciaux, Baux professionnels : Travaux et Charges

Contrairement au régime des baux d’habitation, le statut des baux professionnels et d’autant plus celui des baux commerciaux ne prévoit aucune répartition générale des travaux et des charges.

La liberté contractuelle est donc tout à fait d’actualité et n’empêche en rien les parties de faire explicitement référence (même si cela reste exceptionnel) aux décrets du 26/08/87 qui sont en principe spécifiques aux baux d’habitation :

> Dans un arrêt de principe du 03/10/12, les juges ont validé ce dispositif.

En général, ce n’est pas du tout ce dispositif qui est mis en place et 2 situations sont alors susceptibles d’être identifiées :

1ere situation :

Le bail mentionne la répartition usuelle des charges mais reste muet pour la répartition des travaux.

Dans ce cas,  la cour de cassation applique le partage des obligations suivantes :

-          Les gros travaux aux bailleurs

-          Entretien courant/ menues réparations aux locataires

2ème situation :

Une clause expresse et non équivoque prévoit un transfert partiel ou total au dépend du locataire des obligations pesant sur le bailleur.

Pour autant, le bailleur n’est pas en mesure de transférer au dépend du locataire son obligation préalable de délivrance du bien conforme à sa destination.  (Que la jurisprudence analyse comme une obligation continue durant toute la durée du bail et certainement pas instantanée)

Cas particulier des charges

 Il existe des charges qui incombent dans tous les cas, aux locataires et d’autres qui sont susceptibles de lui être contractuellement répercutées.

Exemple de charges usuelles :

-          Le remboursement des fournitures individuelles de fluides ou de consommation d’eau, chauffage, électricité,

-          Les prestations collectives dont bénéficient le locataire, à savoir l’entretien, le nettoyage, l’éclairage, le gardiennage et même l’entretien de l’ascenseur.

Attention :

Une quote-part des charges relatives aux parties communes nécessite une mention expresse dans le corps du bail. Dans le cas contraire, le locataire ne n’en est pas redevable.

-          Les taxes dites locatives (taxe balayage dont le montant vient d’être augmenté de façon significative), taxe d’assainissement, TEOM.

Attention :

 Même si le caractère récupérable n’est généralement jamais contesté, la cour de cassation dans un arrêt de principe datant de 2012, considère qu’il doit être mentionné explicitement dans le bail, à la charge du locataire.

En résumé, une liste non exhaustive de charges récupérables dans le bail ne suffit pas à établir que la TEOM fait partie de cette catégorie.

Exemple de charges incombant en principe au bailleur mais pouvant être contractuellement répercutées sur le locataire :

-          Impôt foncier

-          Prime d’assurance de l’immeuble

-          Charges de copropriété

-          Honoraires de gestion et/ou de syndic

-          Taxe annuelle sur les bureaux/ locaux commerciaux/ locaux stockage et aire de stationnement de + de 500M2 qui y sont directement dédiées. (le calcul s’effectuant alors sur une base de 20 à 25m2 / place aire de rotation comprise)

Cela ne s’applique ni en ZDFU ni en ZRU.

NB : Précisons que ces charges sont récupérables en toute ou partie dès lors qu’une clause expresse et non équivoque le prévoit.

Dans le cas contraire, si la clause est trop générique (du type «  le locataire sera redevable des charges et travaux dont le bailleur est ordinairement tenu…), le locataire peut  invoquer la nullité de la clause et le remboursement des sommes indument versées au titre des 5 dernières années. (Prescription réduite dans ce cas de 30 ans à 50 ans par la loi du 20 janvier 2005 qui est entrée en application pour tous les contentieux né à compter du 20/01/10).

Enfin, la cour de cassation ne remet pas en cause la clause qui prévoirait que les futures taxes  instaurées ultérieurement pourront être répercutées au locataire. Dans ce cas, il serait prudent de prévoir un avenant au bail lorsque la situation sera effective.

Cas particulier des travaux

Remarque 1 :

La cour de cassation a une interprétation de plus en plus extensive de la notion des gros travaux.

Il s’agit d’abord des gros travaux de structure (correspondant aux notions anciennes du clos et du couvert) et, depuis un arrêt du 13/06/05, il a statué sur l’envergure des travaux touchant la toiture.

Ainsi, opérant alors un revirement de jurisprudence, les juges du fonds considèrent que des gros travaux n’affectant que partiellement la couverture peuvent tout à fait être transférés contractuellement.

Remarque 2 :

La notion d’obligation continue et non pas instantanée de délivrance signifie en pratique que le transfert des gros travaux  demeure répercutable en cours de bail au détriment du locataire. Mais il faut que, lors de la prise d’effet du bail, aucun manquement à l’obligation n’ait été détecté.

Dans l’arrêt de principe du 9 juillet 2008 (commenté dans la revue des loyers numéro 890 d’octobre 2008 page 432 et 433), les juges du fond ont considéré que même des années après la prise d’effet du bail, il était possible au locataire de remettre en cause le transfert des gros travaux, dès lors qu’un audit technique permettait d’attester que rétrospectivement, l’obligation de délivrance n’était pas globalement respectée lors de la prise d’effet du bail.

Remarque 3 :

Les travaux consécutifs à la vétusté incombent au bailleur en vertu de l’article 1755 du Code Civil, à moins qu’une clause claire, précise et non équivoque, en prévoit la répercussion aux dépends du locataire.

Attention :

Depuis un arrêt du 7/12/04, la jurisprudence considère que les clauses trop générales mettant à la charge du locataire les réparations quelles qu’elles soient ne visent pas les travaux nécessités par la vétusté de l’immeuble.

De plus, le bailleur reste tenu des travaux imposés par la dite vétusté à défaut de convention particulière quand bien même le locataire aurait contractuellement la charge de «  entretenir et conservé constamment les lieux et bâtiments loués en parfait état sans pouvoir exigé du bailleur aucune remise en état ou réparation. Toutes les réparations nécessaires ou simplement utiles étant de convention expresse à la charge du preneur y compris les grosses réparations visées à l’article 606 du CC ».

Remarque 4 :

 Cas des travaux de ravalement/ Cas des travaux énergétiques

La position de la jurisprudence est claire :

-          Dès lors que le ravalement constitue ponctuellement des travaux de simple nettoyage de la façade, ils correspondent à l’entretien courant et c’est donc une charge pleinement facturable  au locataire.

-          Si le ravalement occasionne en complément une reprise d’éléments de structures, cela ne correspond plus à de l’entretien courant et la quote-part des dépenses y afférentes demeure à la charge du bailleur.

-          Par exception à ce qui précède, il est tout à fait possible de prévoir contractuellement que l’intégralité des dépenses occasionnées par un ravalement sera expressément refacturée au locataire.

On sait que les communes sont susceptibles de mettre en place des programmes de ravalement par quartier et/ou par artère à travers des arrêtés municipaux.

Dans ce cas, 3 hypothèses sont envisageables :

-          Le bail est totalement mué : les travaux sont à la charge du bailleur,

-          Les travaux prescrits par voie administratives (et/ou travaux rendus nécessaires par l’évolution de la réglementation) sont à la charge du bailleur,

-          La jurisprudence, à travers plusieurs arrêts de principe (datant pour la plupart des années 2000) considèrent qu’il est tout à fait possible de répercuter contractuellement ce type de travaux dans ces circonstances au dépend du locataire.

Ainsi, La clause prévoyant se transfère sera rédigée de la manière suivante :

«  Par les présentes, le locataire accepte de prendre en charge tous les travaux actuels et futurs qui seraient rendus nécessaires par l’évolution des réglementations tant techniques que juridiques ».

Remarque 5 :

A travers l’avènement de certaines obligations de performances énergétiques, la loi Grenelle II du  12 juillet 2010 a prévu un certain nombre d’obligation pour les bailleurs. Parmi ces obligations, figurent en matière d’immobilier d’entreprise l’annexe environnementale mais surtout l’obligation de réalisation de travaux d’amélioration énergétique dans un délai de 8 ans à compter du 01/01/12.

Contrairement à l’annexe environnementale dont le décret d’application est paru fin 2011, le décret rénovation énergétique n’est pas encore paru. Celui-ci concernera les bureaux et certains SINASPIC dédiés aux locaux administratifs.

Le décret d’application devrait paraître courant 2013.

Pour l’instant, on constate que certains baux investisseurs adoptent une vision très extensive de la clause «  de transfert des travaux » évoquée dans la remarque précédente et introduisent la nouvelle mention suivante :

«  Le locataire sera redevable de tous les travaux rendus nécessaires par la réglementation, juridiques et techniques y compris ceux nécessaires à la performance énergétique de l’immeuble ».

Ces travaux peuvent atteindre des montants particulièrement conséquents et procureront  un revenu net d’autant plus significatif au bailleur.

Attention :

La doctrine est partagée sur ce point car certains auteurs considèrent que ces travaux relèvent de l’obligation de délivrance du bailleur d’un bien conforme à sa destination !

Ainsi, la jurisprudence aura certainement a tranché ce point sensible dans les années à venir.

Pierre-Thomas BINET

Société Optireal

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